Dans le cadre de l’examen de la Loi d’Orientation Agricole (LOA) qui débute ce mardi 30 avril en Commission, plusieurs amendements ont été déposés au sujet du loup et des chiens de protection. Certains d’entre eux, dictés par la FNSEA, en disent long sur la position anti-loup adoptée depuis quelque temps par plusieurs parlementaires savoyards.

Un projet de Loi d’Orientation Agricole déjà problématique sur la question du loup

Le Projet de loi d’orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture, proposé par le Gouvernement, aurait pu ne pas traiter de la question du loup. Or, l’article 16 prévoit d’amoindrir toute responsabilité chez le propriétaire du chien (éleveur) en cas d’attaque sur des randonneurs ou d’autres usagers de la nature et de sortir les chiens de protection de la réglementation ICPE afin d’encourager les éleveurs à en posséder parfois plusieurs dizaines. L’AJAS s’oppose à cet article qu’elle juge démagogique et inutile pour deux raisons : 

  • Les cas d’intimidations, de pincements ou de morsures des chiens de protection sur les usagers de la nature sont une réalité. Pour le département de la Savoie (73), en 2019, sur les 147 témoignages recueillis dans le cadre du dispositif “Mon expérience avec les chiens de protection”, 18% des personnes ont déclarées avoir subi un contact physique avec un chien de protection (et 8% avoir été victimes d’une morsure) et 59% des usagers de la nature sondés ont déclaré avoir été intimidés verbalement par des aboiements ou des grognements. 40% des sondés ont exprimé une colère vis-à-vis de l’éleveur ou du berger suite à leur rencontre avec des chiens de protection. Dès lors, amoindrir toute responsabilité chez le propriétaire du chien ne semble pas être une réponse adaptée aux craintes des usagers de la montagne et semble au contraire envoyer un signal contre-productif, d’autant plus qu’aujourd’hui, dans les faits, la responsabilité pénale de l’éleveur est très rarement mise en cause dans les cas d’agressions.
  • L’utilité de posséder plusieurs dizaines de chiens de protection questionne : un éleveur ayant besoin de plus de 10 chiens possède généralement plus de 1000 têtes. Il est évident qu’un troupeau de plusieurs centaines de chèvres ou moutons est extrêmement vulnérable et qu’il ne peut y avoir aujourd’hui de bergers en nombre suffisant pour surveiller autant d’animaux. Au-delà de la question de l’utilité relative de posséder un grand nombre de chiens pour faire face aux prédations sur d’immenses troupeaux, ce dispositif pose grandement question sur le modèle d’élevage souhaité et souhaitable pour les années à venir, puisqu’il incite au développement des élevages industriels avec des centaines, voire des milliers d’animaux dans les montagnes avec les risques que ce type de système engendre pour la faune et la flore.

Plusieurs parlementaires savoyards renchérissent sur la politique anti-loup du gouvernement

Sur les quatre députés savoyards, trois sont connus pour leur positionnement “anti-loup” : Emilie Bonnivard (LR), Vincent Rolland (LR) et Marina Ferrari (MODEM). Cette dernière ayant été promue Secrétaire d’Etat au Numérique, c’est son suppléant, M. Padey (MODEM), qui s’est chargé de déposer des amendements tout droit dictés par la FNSEA. 

Alors même qu’il n’est aucunement question, dans le projet de LOA actuel, d’affaiblir le statut du loup et d’encourager les tirs, les trois parlementaires ont déposé des amendements en ce sens.

Rappelons que l’efficacité des tirs létaux sur les loups n’a fait l’objet d’aucune validation scientifique et que le loup est une espèce protégée dont la chasse est interdite en France et en Europe. 

À quand une politique raisonnée sur la question du loup ?

Nous assistons aujourd’hui à une fuite en avant des politiques anti-loups qui n’hésitent pas à multiplier les dérogations, ce qui ne règle en rien la question structurelle de la cohabitation des activités humaines et de la présence effective de cet animal protégé. Il existe pourtant une voie médiane et raisonnée. Sur la question des chiens de protection dont il est question dans ce projet de loi, l’AJAS propose ainsi aux parlementaires de conditionner l’achat du premier chien à une formation de l’éleveur/berger. Inciter à la multiplication des chiens de manière anarchique et ôter toute responsabilité pénale à leurs propriétaires est dangereux et inefficace. En revanche, des dispositions peuvent et doivent être prises pour améliorer la situation existante puisque les chiens de protection demeurent à ce jour l’un des moyens de protection parmi les plus efficaces pour faire face aux attaques de grands prédateurs s’ils sont éduqués correctement et si leur présence est combinée avec d’autres moyens de protection dont la présence humaine et des clôtures robustes.  

La formation de l’éleveur/berger répondrait ainsi à plusieurs problématiques à savoir : 

  • une meilleure cohabitation entre les chiens de protection et les usagers de la nature ; 
  • un taux de survie plus élevé des jeunes chiots ; 
  • une meilleure protection du troupeau par les chiens adultes.

Des mesures de bons sens, raisonnées et raisonnables peuvent être prises. L’AJAS appelle donc le gouvernement et les parlementaires à ne pas crier haro sur le loup mais à adopter des mesures visant à ouvrir une nouvelle ère de cohabitation positive entre cet animal protégé et les activités humaines tout en respectant le bien-être des chiens, des troupeaux, et en préservant la sécurité des usagers de la montagne. L’AJAS formulera prochainement une série de propositions en ce sens.

Lire l’article du Dauphiné