Lundi 17 octobre, associations et citoyens apprenaient avec stupeur qu’un arrêté préfectoral bloquait le jour même, et pendant 48 heures, l’accès au massif du Bargy pour y tuer jusqu’à 75 bouquetins. Un véritable massacre perpétré à huis clos et qui n’a pour seul objectif que de donner satisfaction à la FNSEA à quelques jours seulement de la venue du Ministre de l’Agriculture en Haute-Savoie… Une honte.
Pour rappel : Les bouquetins sont des animaux protégés qui ne peuvent pas être chassés. Dans les populations vivant dans le massif du Bargy, certains individus sont porteurs de la brucellose, une maladie bactérienne transmissible à l’homme notamment par consommation de produits d’origine animale contaminés. Chez l’animal, la brucellose provoque des avortements ; chez l’humain, elle entraîne une fièvre et des douleurs, sans pour autant être mortelle. Elle se soigne par antibiothérapie.
Malgré son statut d’espèce protégée, plusieurs dérogations préfectorales ont donc été obtenues dans le massif du Bargy sous la pression des éleveurs et producteurs de reblochons pour les éliminer.
Or, l’abattage indiscriminé des bouquetins n’est clairement pas une solution et tout le monde le sait. Depuis le printemps 2022, 170 bouquetins ont été capturés et il a été constaté que plus de 95% n’étaient pas porteurs de la brucellose ! L’hypothèse d’une contamination directe bouquetin-bovin n’a jamais pu être établie avec certitude dans la mesure où d’autres animaux sauvages, tels que des chamois, des cerfs et des chevreuils se sont également révélés être porteurs de la maladie.
Par ailleurs, depuis 2016, a été développé une stratégie de gestion adaptative qui consiste capturer et tester les bouquetins jugés les plus à risque en fonction de leur classe démographique et spatiale (avec euthanasie des individus séropositifs). Cette stratégie a permis de faire chuter considérablement la prévalence de la brucellose dans la population du massif du Bargy passant de 50% de bouquetins positifs en 2013 à 4% en 2021.
Selon les experts, l’infection devrait s’éteindre naturellement à condition de respecter un certain nombre de mesures de prudence et de bio-surveillance au cours des années à venir comme la vaccination des bouquetins quelques années après capture-contrôle.
Cette mesure de bon sens a été piétiné une première fois par le Préfet de Haute-Savoie en mars 2022 lorsqu’il a décidé d’abattre jusqu’à 170 bouquetins sans contrôle sanitaire préalable. FNE Haute-Savoie, FNE AuRA, AVES, la LPO, One Voice, l’ASPAS et Animal Cross avaient alors contesté cet arrêté en saisissant le Juge des référés qui a donné raison aux associations et suspendu l’arrêté préfectoral.
Mais, en octobre 2022, le Préfet de Haute-Savoie récidive. Il a brutalement décidé, vendredi 14 octobre, de fermer tout le massif du Bargy pendant deux jours pour y tuer jusqu’à 75 bouquetins. 61 d’entre eux seront tués.. Des lanceurs d’alerte ont envoyé quelques photos et vidéos de ce massacre insupportable qui s’est tenu, à huis clos, quelques jours avant la venue du Ministre de l’Agriculture en Haute-Savoie.
A savoir qu’une consultation publique avait été menée en juillet 2022 et que 88% des citoyens avaient émis un avis défavorable au projet d’arrêté autorisant de tuer jusqu’à 75 bouquetins. Le Préfet s’est assis dessus.
Comment est-ce possible, dans un Etat de droit, de tuer des animaux protégés, contre l’opinion publique, simplement pour que le Ministre de l’Agriculture puisse venir sereinement serrer la main des éleveurs quelques jours plus tard ?
L’AJAS est admirative du combat des associations locales dont FNE Haute-Savoie et la LPO AURA dont les membres subissent des pressions et qui se battent pourtant depuis plusieurs années contre cet abattage injuste. Pour le soutenir dans leurs combats pour plus de justice pour ces animaux victimes d’abattages indiscriminés nous avons rejoint leur action en justice.
Mise à jour : le lundi 24 octobre, le massif « purgé » de 61 bouquetins est prêt à accueillir le Ministre de l’Agriculture qui vient en Haute Savoie pour serrer la main du syndicat du reblochon et annoncer que, contre la brucellose, il va mettre en place des « groupes de travail » (une fois les bouquetins morts donc). Le 27 octobre, le ministre est reparti, les bouquetins ont été tués et le préfet suspens son arrêté. Il n’y aura donc pas d’audience le 3 novembre puisque l’arrêté est suspendu.
Ces crimes de l’Etat ne peuvent pas rester impunis. L’AJAS se mobilise fortement, aux cotés de 7 autres organisations, pour continuer à alerter sur ce terrible passage en force. Nous envisageons également de poursuivre nos actions en justice contre l’Etat.