L’AJAS co-signe une tribune dans les pages du Monde visant à interpeller sur ces pratiques sources de souffrances pour les taureaux.
Le texte de la tribune :
Pour une réforme de la bouvine
Au cours de la récente bataille médiatique sur la corrida, la bouvine a été un sujet défendu par certains aficionados, essayant de faire un amalgame entre les deux activités. Contrairement à la corrida, la bouvine est une tradition du Sud de la France et correspond à un ensemble de jeux et spectacles taurins, sans mise à mort de l’animal.
Les acteurs de la bouvine préparent une demande d’inscription à l’inventaire du patrimoine culturel immatériel de l’Unesco, en partenariat avec des pratiquants d’activités tauromachiques du Sud de la Catalogne et de la Toscane. Cette reconnaissance sanctifierait à la fois les courses, mais surtout les gestes et le savoir-faire qui s’y rattachent. Si les jeux eux-mêmes sont loin d’être menacés comme peut l’être la corrida, il s’agit en fait et surtout de préserver des pratiques dont certaines sont archaïques et loin de faire l’unanimité.
Supplice de la pince et brûlures au troisième degré
Dans les manades, les jeunes taureaux sont castrés afin notamment de les rendre moins dangereux lors des courses. Pratiqué par torsion testiculaire et blocage de l’afflux sanguin, le bistournage est la méthode la plus ancienne. Aussi appelé localement « le supplice de la pince », il consiste à écraser chaque cordon spermatique à travers le scrotum. Couché de force et pattes ligotées, l’animal subit souvent cette mutilation à vif. Mal effectuée, elle laisse un testicule fonctionnel. Ainsi, certaines manades préfèrent une ablation totale des testicules pour l’éviter. L’opération consiste à inciser le scrotum afin de dégager les testicules pour les tourner jusqu’à ce qu’ils tombent. Cette pratique génère des douleurs extrêmes. Certaines exploitations pratiquent ces ablations également sans endormir l’animal. Une dernière méthode employée dans les élevages se résume à stériliser les taureaux en posant un élastique au-dessus des testicules, durant trois à sept semaines, ce qui les fait également beaucoup souffrir. Ces douleurs intenses, dénoncées depuis des décennies par les associations de protection des animaux ne sont pas acceptables. L’anesthésie des animaux lors de la stérilisation doit être rendue obligatoire, avec des contrôles effectués par des acteurs sans lien d’intérêt avec le monde de l’élevage.
Autre rituel : la ferrade, dont la mise en scène rassemble touristes et passionnés de bouvine. Pour les distinguer, les taureaux sont marqués au fer rouge. Poussés au sol à l’aide d’un trident, ils sont maintenus par les invités pendant que le fer leur brûle profondément la peau. Afin de montrer de quelle manade ils proviennent, on leur inflige également l’escoussure en découpant à vif leurs oreilles avec un couteau, pour concevoir des formes propres à chaque manade. La ferrade et l’escoussure doivent être interdites. Elles sont d’autant plus inutiles que certaines manades les ont déjà abandonnées au profit de boucles auriculaires comme seul moyen d’identification.
Des pratiques dangereuses pour les animaux, mais aussi pour les humains
Plus prisées encore pour animer les fêtes locales, de nombreuses manifestations rythment l’été des villes et villages du Sud. S’y succèdent l’abrivado et la bandido, qui désignent le lâcher de taureaux dans des rues barricadées, et les courses camarguaises dans les arènes. Sortir de leurs prairies des bovins paisibles pour les immerger dans une foule hurlante provoque un stress profond. Ici, les risques de blessures sont nombreux. Les yeux des animaux ont parfois été crevés par le crochet fait de lames dentées, destinées à couper les fils retenant la cocarde. Une barrette a été ajoutée au crochet afin de limiter la profondeur des blessures mais il reste dangereux. Il existerait pourtant bien d’autres façons de la fixer qui n’imposeraient pas de recourir à un outil tranchant pour la décrocher. De multiples lésions, parfois mortelles, pourraient également être évitées en rembourrant les obstacles et barrières, et en fixant des guêtres de protection aux animaux. Les communes qui organisent ces activités se doivent d’assumer cette sécurisation minimale.
Sachons sortir d’une culture de la violence et de la souffrance. Nous prônons une valorisation de notre culture mais demandons la réforme des traditions qui engendrent des sévices envers les animaux ou les humains.
Nous, élu(e)s, président(e)s d’associations ou de partis politiques, demandons aux législateurs de réformer la bouvine telle qu’elle est proposée, afin qu’elle ne génère plus ces souffrances animales et qu’elle ne bénéficie d’aucune reconnaissance officielle ni de soutien public; en attendant une réforme éthiquement acceptable et validée par les acteurs de la protection animale.